mercredi 7 août 2013

Affaire Sonatrach II : La justice italienne traque l'argent de Bedjaoui

La justice italienne veut récupérer les pots-de-vin versés à Farid Bedjaoui, le «jeune» et «l'ami nécessaire» pour les contrats obtenus par Saipem. Un mandat d'arrêt international a été lancé contre lui par le parquet de Milan.

 100 millions de dollars «placés» à Singapour, 23 millions à Hong-Kong ! C'est un total de 123 millions de dollars, fruits du rôle «d'intermédiaire» très particulier joué par Farid Bedjaoui dans l'obtention de contrats en Algérie par l'italien Saipem que la justice italienne cherche à récupérer. Le «jeune», comme il était convenu de l'appeler au sein des compagnies étrangères par opposition au «vieux» incarné par Chakib Khelil, fait également l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré par le parquet de Milan dans l'enquête sur les affaires de pots-de-vin versés par Saipem en Algérie. Les révélations italiennes qui ont fini par se transformer en Algérie en affaire «Sonatrach 2» continuent ainsi d'alimenter la chronique sur le fonctionnement du couple Bedjaoui-Khelil dans la gestion de l'octroi des contrats dans le secteur des hydrocarbures. Selon le Corriere della Serra, le bureau du procureur de Milan ne cherche pas seulement à bloquer l'argent présumé de la corruption que Farid Bedjaoui a placé dans ces paradis fiscaux. Une commission rogatoire s'intéresserait aussi aux comptes bancaires liés à la famille de Chakib Khelil au Liban et au Panama. La justice italienne s'intéresse également à des voyages d'agrément en Italie de l'ancien PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane, payés pour la «petite somme» de 100.000 dollars par Saipem. Il en est de même pour le fils de Mohamed Meziane, devenu conseiller rémunéré de Saipem pour 10.000 euros par mois. Et pour rester dans l'esprit de famille, la justice s'intéresse également à une commission de 1,75 million de dollars perçus par Mohamed Réda Hemche, ancien chef de cabinet de Meziane qui était en fait l'œil de Chakib Khelil dans l'entreprise.

LE SYSTEME DU «JEUNE» ET DU «VIEUX»

C'est par l'Italie que le scandale des pots-de-vin versés contre l'obtention de contrats a éclaté, dévoilant l'existence d'un véritable système de corruption sur les marchés du secteur des hydrocarbures. Un système où le «jeune» Farid Bedjaoui, surnommé «l'ami nécessaire», servait d'appui auprès du «vieux» Chakib Khelil pour obtenir des contrats. Des pratiques qui ont duré pendant plusieurs années. Les informations du Corriere della Serra confirment ce qui était déjà établi. Saipem a versé pour 197 millions de pots-de-vin pour obtenir 7 contrats d'une valeur globale de 8 milliards d'euros. La rémunération de «l'intermédiation» était versée sur le compte d'une société établie à Hong-Kong, Pearl Partners Limited. Les commissions illégales ont transité par des comptes en Suisse, aux Emirats arabes unis et à Dubaï. L'enquête judicaire italienne a entrainé, en décembre dernier, la démission du patron de Saipem, Pietro Tali. Le groupe avait également suspendu «à titre préventif» Pietro Varone, responsable de la division ingénierie et construction. C'est un homme clé dans le système de commissions mis en place. Il a été arrêté, dans la plus grande discrétion, le 28 juillet, le jour même où le mandat international contre Farid Bedjaoui a été lancé. M. Varone a confirmé aux magistrats, avant même son arrestation, que «Pearl Partners et Bedjaoui sont la même chose» et que «Bedjaoui a dit clairement qu'il donnait l'argent au ministre de l'Energie Khelil». La boucle est ainsi bouclée. «La Pearl Partners Limited» est gérée par l'Algérien Ourayed Samyrmais, elle appartient bien à Farid Bedjaoui», précise le journal italien. La justice italienne est en train de faire le ménage pour des actes de corruption commis par des Italiens.

LA «BARAKA KHELIL»

Cette enquête ne permettra pas d'expliquer comment et pourquoi Farid Bedjaoui est devenu un intermédiaire «nécessaire» à Sonatrach à partir de 2000. La «baraka» inouïe de ce jeune a fait que la société d'investissement Ryan Asset Management FZ qu'il a créée à Dubaï en 2000 s'est vu confier trois ans plus tard par Sonatrach la somme de 2 milliards de dollars, selon certaines informations publiées et jamais démenties. Ahurissant, selon les spécialistes. Certains en arrivent à plaisanter lugubrement en estimant que le jeune Bedjaoui a bénéficié de la «baraka Khelil». Tellement efficace que cela l'a rendu un passage obligé des multinationales en quête de contrats en Algérie. Le neveu de l'ex-ministre des Affaires étrangères sera, peut-être, déplumé par la justice italienne avant d'être entendu par la justice algérienne.

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